Le rôle de la tuberculose : lettre au préfet de la Seine
Il faut se mettre dans le contexte de l’époque : dans les grands centres européens, les villes étaient très insalubres pour la plupart d’entre-elles. A cette époque-là, la question des taudis, de la tuberculose, de l’hygiène sociale des villes étaient des questions primordiales. La priorité n’était donc pas du tout comme aujourd’hui l’image et la culture de la ville ancienne…
(C) Fondation LE CORBUSIER
Paris,
le 8 mars 1934
Monsieur
le Préfet,
C’est par esprit de devoir et de solidarité que je me sens obligé de vous faire part aujourd'hui de l’émouvant fait divers suivant.
J’habite rue
Jacob, et j’ai appris ce matin qu’au numéro 14 où se trouve un bougnat, la
femme du marchand est morte cette nuit de tuberculose. C’est Mme L. En 1932,
sont morts de tuberculose, dans la même boutique, M. B et sa femme. En 1930,
est mort de tuberculose, dans la même boutique, M. R. En 1927, les deux
tenanciers, homme et femme, dont on n’a pu me donner les noms sont morts également
de tuberculose. Mon enquête n’a pas pu remonter plus haut. Les quatre couples
sus-nommés sont tous de solides auvergnats venus directement de leur campagne.
Il a suffi à chacun de deux années pour mourir à trente ans. Personne évidemment
ne songe à vous avertir de cela, le propriétaire surtout, qui loue
impassiblement sa boutique après chaque décès.
Demain, un nouveau couple va arriver d’Auvergne et mourra en 1936, bien entendu.
Je me suis
permis, Monsieur le Préfet , de penser que ce petit fait divers, assez émouvant
en soi, rentre dans les compétences de vos services.
Veuillez
agréer, Monsieur le Préfet, l’expression de mes sentiments très distingués.
Le Corbusier
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