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Réponse aux critiques formulées sur la cité Frugès à Pessac (banlieue de Bordeaux), et publiée sur le site http://www.gasconha.com/fruges.php


Il faut se replacer dans le contexte de la construction de cette cité en 1920.

A cette époque, en effet :

- on manquait de logements, surtout dans les villes dont la population augmentait en raison de l’exode rural ;

- la construction de logements traditionnels en maçonnerie restait coûteuse ;

- les logements étaient par conséquent souvent exigus, sans confort, mal éclairés ;

- et surtout, leur insalubrité fréquente générait la tuberculose, que l’on ne savait pas soigner et qui tuait une part importante des habitants des villes.

C’est dans ce contexte, dramatique mais totalement oublié aujourd’hui, que Le Corbusier rechercha des solutions nouvelles en s’appuyant sur l’utilisation d’un nouveau matériau : le béton. Voici ce qu’il en attendait :

- recherche d’économies dans la construction en évitant les matériaux traditionnels plus coûteux : pierres et tuiles ;

- recherche d’un plus grand confort, d’une meilleure pénétration des rayons du soleil grâce à des fenêtres en largeur et à une meilleure exposition pour éviter la tuberculose ;

- recherches de formes nouvelles épurées, rejoignant le mouvement cubiste, en utilisant les possibilités offertes par le béton.

Pour ces raisons, Le Corbusier était à cette époque un pionnier, un visionnaire, et naturellement ses bâtiments rencontrèrent une critique terrible. La Cité Frugès fut l’une des premières œuvres où il mit en pratique ses idées.

Pour l’esthétique, les bâtiments de la Cité Frugès ne sont peut-être pas les plus appréciés de Le Corbusier. Il lui faudra conduire d’autres projets avant d’aboutir à la villa Savoye ou à la chapelle de Ronchamp, aux formes exemplaires.

Pour la maîtrise du béton non plus, la cité Frugès a mal vieilli. Le Corbusier demanda trop au béton, un matériau encore innovant et mal connu en 1920.

Quant à la consultation et à l’écoute des habitants, on ne peut pas vraiment reprocher à Le Corbusier de l’avoir occultée. D’abord son caractère de visionnaire ne lui permettait certainement pas cette approche ! Mais surtout, à cette époque, l’écoute des besoins des habitants était très faible comparée à ce qu’elle peut être maintenant. Pensons aux conditions paternalistes de la vie ouvrière, à l’absence de syndicalisation, ou simplement à l’absence de droit de vote pour les femmes.

Il faut donc comprendre que le projet de Le Corbusier était de répondre à des problèmes urbains dramatiques, en s’appuyant sur des solutions nouvelles et qu’il cherchait à se détourner de la tradition. Sa démarche était historiquement nécessaire, même si aujourd’hui elle apparaît très critiquable par les excès auxquels elle a conduit. On s'est appuyé sur ses idées pour justifier la création des grands ensembles. Mais, contrairement à ce que l'on entend souvent, ce n'est pas lui qui les a dessinés. Il apparaît malgré tout comme le bouc émissaire, responsable des difficultés de l'urbanisme contemporain.

Francis Muller

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